Exploration

UN DERNIER SALUT POUR BEPI-COLOMBO

Le composite de BepiColombo représente une masse de 4 121 kg au lancement (Crédit image : ESA - P.Carril).

Le composite de BepiColombo représente une masse de 4 121 kg au lancement (Crédit image : ESA – P.Carril).

Lancée le 19 octobre 2018 depuis le centre spatial guyanais (VA 245), la sonde de l’agence spatiale européenne est actuellement en route vers la planète Mercure. Utilisant l’assistance gravitationnelle des planètes pour accomplir son voyage, elle doit passer le 10 avril à proximité de la Terre.

Malgré tous les engins d’exploration lancés en direction des planètes de notre système solaire depuis les débuts de l’ère spatiale, Mercure n’a reçu que deux visites, toutes les deux américaines. Entre mars 1974 et mars 1975, c’est Mariner 10 qui a ainsi survolé la planète rocheuse à trois reprises. Il faut ensuite attendre la mise sur orbite de la sonde MESSENGER, septième mission du programme Discovery de la NASA, en mars 2011 pour que nos connaissances de la plus proche planète du Soleil progressent significativement. Une mission qui s’est étalée jusqu’au 30 avril 2015 avec un écrasement final dans le cratère Shakespeare. Le peu de visites reçue par Mercure, que l’on peut aisément confondre avec la Lune, tient en deux points. Le chemin direct n’est pas forcément le plus évident. Ainsi pour une mise en orbite autour de Mercure sur une trajectoire directe depuis la Terre, un véhicule spatial doit ensuite fortement réduire sa vitesse obtenue pour se libérer de l’attraction terrestre (11,2 km/s). La dépense énergétique demandée est donc particulièrement importante. On lui préfèrera donc l’assistance gravitationnelle des planètes qui si, elle implique une trajectoire plus longue, s’avère donc moins coûteuse en ergols.

19 octobre 2018, décollage de la mission VA 245 d'Ariane 5 ECA transportant la mission BepiColombo (Crédit photo : ESA-S.Corvaja).

19 octobre 2018, décollage de la mission VA 245 d’Ariane 5 ECA transportant la mission BepiColombo (Crédit photo : ESA-S.Corvaja).

Un délicat ensemble

Le périple entamé par Bepi-Colombo est donc particulièrement long, puisqu’il s’étale sur sept ans. Elle aura recours à neuf assistances gravitationnelles avant d’atteindre Mercure. Outre le survol de la Terre, il est prévu deux passages à proximité de Vénus le 16 octobre prochain et le 11 août 2021, puis encore six « fly-by » au-dessus de Mercure entre le 2 octobre 2021 et le 9 janvier 2025, destinés à aider le vaisseau à se mettre en orbite autour de sa destination finale. Son passage à proximité de la Terre, prévu le 10 avril à 6h25 du matin, doit lui faire survoler notre planète à seulement 12 700 km au plus proche. C’est-à-dire qu’à cette distance, le vaisseau se trouvera à l’intérieur de l’orbite des satellites de la constellation Galileo (entre autres). La manœuvre doit ralentir BepiColombo et courber sa trajectoire en direction du centre du système solaire. Ce qui aura pour effet de resserrer ainsi son orbite autour du Soleil. « C’est la dernière fois que nous verrons Bepi-Colombo depuis la Terre avant qu’il ne pique en direction de l’intérieur du système solaire », indique Joe Zender responsable scientifique adjoint du projet au sein de l’agence spatiale européenne. Une phase de vol qui ne sera certainement pas passive pour le vaisseau qui est, rappelons-le, un composite. La mission Bepi-Colombo est en effet un délicat ensemble de 4121 kg au lancement qui est composé de quatre modules. Il y a le MTM (Mercury Transfert Module) qui assure la propulsion de l’ensemble avec ses quatre moteurs ioniques (dérivés de ceux de la mission GOCE) à l’aide de 580 kg de xénon. Pour fonctionner, ils nécessitent une alimentation électrique fournie par deux panneaux solaires de 14 m pouvant fournir jusqu’à 13 kW d’énergie. Le second module est le MOSIF (Magnetospheric Orbiter Shunshield and Interface Structure) qui sert notamment d’interface électrique et mécanique entre les deux sondes indépendantes. Il y a d’une part le Mercury Magnetospheric Orbiter (MMO) rebaptisé MIO en juin 2018. Il s’agit d’un satellite mis au point par la JAXA qui doit évoluer sur une orbite polaire très elliptique grimpant jusqu’à 11 640 km au plus haut et descendant à 590 km.

BepiColombo doit rejoindre sa destination finale en sept ans (Crédit image : ESA-P.Carril).

BepiColombo doit rejoindre sa destination finale en sept ans (Crédit image : ESA-P.Carril).

Selfie avec la Terre

Et d’autre part, il y a le Mercury Planetary Orbiter (MPO) conjointement réalisé par Airbus DS et Thales Alenia Space et prévu pour se placer en orbite autour de Mercure qui oscille entre 480 et 1 500 km d’altitude. D’une masse de 1140 kg, ses trois panneaux solaires lui fournissent une puissance électrique de 1,8 kW. La structure extérieure du MPO, conçue avec trois couches de matériaux isolants, doit résister à des températures allant jusqu’à 450 degrés. Il transporte une charge utile de 85 kg composée de onze instruments. Sur ces onze instruments les scientifiques escomptent pouvoir en faire fonctionner huit dont le spectromètre franco-russe PHEBUS qui doit être calibré en utilisant la Lune. Des mesures du vent solaire figurent également au programme. L’ESA précise également dans son communiqué que le survol sera suivi par une équipe réduite compte tenu des mesures de distanciation sociale actuellement en vigueur dans le monde à cause de l’épidémie de COVID-19. Pour immortaliser ce premier et dernier passage de Bepi-Colombo à proximité de la Terre, les trois caméras MCAM ont été activées le 5 mars. Au plus près de la Terre, elles devront transmettre les dernières images de notre planète prises par Bepi-Colombo avant que celle-ci ne fonce définitivement vers les profondeurs de notre système solaire.

Antoine Meunier

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