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DÉCOLLAGE RÉUSSI POUR LE PREMIER DRAGON HABITÉ

Pour son 85ème lancement, la fusée Falcon 9 de Space X a pour la première fois lancé des astronautes dans l'espace

Pour son 85ème lancement, la fusée Falcon 9 de Space X a pour la première fois lancé des astronautes dans l’espace

Après une première tentative mercredi, annulée pour cause de mauvais temps, le 85ème lancement de la fusée Falcon 9 a finalement pu avoir lieu à Cap Canaveral en présence du président Donald Trump. Un lancement particulier puisque pour la première fois, deux astronautes étaient installés à bord de la capsule Crew Dragon pour rejoindre l’ISS. Premier vol habité opéré par un opérateur privé, c’est aussi le premier engin piloté à prendre le chemin de l’espace depuis le sol américain et l’arrêt de la navette en 2011.

L’attente est enfin terminée et elle aura duré très exactement 3249 jours depuis que la navette spatiale a décollé pour la dernière fois le 8 juillet 2011 (STS-135 avec Atlantis). Après quasiment neuf ans, l’Amérique renoue avec le vol habité depuis son sol. Comme planifié, la fusée Falcon 9 s’est arrachée du LC-39A du centre spatial Kennedy (KSC) à 21h22 (heure de Paris) sous un ciel encombré de nuages mais nettement plus clément que celui de mercredi dernier. La séparation du premier étage B1058, dont c’était la première utilisation, s’est effectuée après 2mn et 40s de vol. Celui-ci a ensuite été récupéré en mer sur la barge Of Course I Still Love You stationnée dans l’Atlantique au large de la Floride. Le vaisseau s’est placé sur orbite après 12 mn et 34 s de vol. L’équipage est composé de Doug Hurley (3ème vol après STS-127 et STS-135) et de Robert Behnken. Le premier est commandant de bord pour ce vol de qualification baptisé Demo-2 (DM-2), il faisait partie de l’équipage d’Atlantis lors de l’ultime mission de ravitaillement de la Station spatiale internationale réalisée par la navette en 2011. Le second a également volé sur le Shuttle à deux reprises (STS-123 et STS-130). Au cours de son deuxième vol en février 2010, il réalise trois sorties dans l’espace pour effectuer la jonction du module d’habitation Tranquility de l’ISS. Hurley et Behnken sont donc les premiers astronautes à voler sur le Crew Dragon qui a été baptisé Endeavour en hommage à la navette du même nom.

Séparation réussie à T+12 mn et 34 s de vol. Le Dragon 2, abritant les astronautes Doug Hurley et Robert Behnken, était en orbite (Photo : NASA TV/SpaceX).

Séparation réussie à T+12 mn et 34 s de vol. Le Dragon 2, abritant les astronautes Doug Hurley et Robert Behnken, était en orbite (Photo : NASA TV/SpaceX).

Le cinquième vaisseau américain

Réaliser la qualification d’un engin spatial habité n’est pas un événement courant. Après Mercury le 5 mai 1961 (Alan Shepard, Freedom 7), Gemini 3 le 23 mars 1965 (Gus Grissom, John Young), Apollo 7 le 11 octobre 1968 (Schirra-Cunningham et Eisele) et la navette spatiale avec le vol STS-1 le 12 avril 1981 (John Young et Robert Crippen), Dragon est seulement le cinquième véhicule spatial habité américain depuis 1981. Si le Dragon cargo a déjà volé à 22 reprises depuis 2010, sa version habitée, dont la première maquette a été dévoilée en mai 2014, est donc le premier véhicule à effectuer un vol inaugural en pratiquement quatre décennies. « Personnellement, cela m’inspire beaucoup d’envie car c’est toujours exceptionnel de faire le premier vol d’un engin spatial, j’en ai toujours rêvé », confie l’astronaute français Léopold Eyharts (Soyouz TM-27, STS-122). En plus, tout est ultra-moderne et automatisé. C’est comme passer d’un vieil avion vers un Airbus ou un Boeing de nouvelle génération ». Il est vrai que le vaisseau, s’il reprend un principe imaginé au début des années 60, n’a plus rien à voir avec ses glorieux ainés. Sur le tableau de bord, tableaux tactiles ont remplacés manettes et boutons. Le Crew Dragon peut emmener théoriquement jusqu’à sept personnes mais il est configuré pour quatre passagers pour les vols jusqu’à l’ISS. La durée totale de cette première mission pilotée n’est pour le moment pas précisée (possiblement jusqu’à 120 jours) mais comme son homologue russe Soyouz, Dragon doit pouvoir rester amarré à la station pendant 210 jours soit un peu plus de six mois. L’amarrage de l’Endeavour a eu lieu dimanche à 16h15 heure de Paris. L’ouverture de l’écoutille était prévue pour 12h45 (EDT).

De gauche à droite, Bob Behnken et Doug Hurley, les hommes de la mission DM-2. A noter, dans le Crew Dragon, l'équipage fait face à l'écoutille du vaisseau (Photo : NASA TV).

De gauche à droite, Bob Behnken et Doug Hurley, les hommes de la mission DM-2. A noter, dans le Crew Dragon, l’équipage fait face à l’écoutille du vaisseau (Photo : NASA TV).

Thomas Pesquet sur Crew-2

Demo-2 est également la 163ème mission habitée à s’envoler depuis le centre spatial Kennedy en 59 ans. C’est aussi la 15ème mission double après les dix vols Gemini de 1965-66 et les quatre vols de qualification de la navette (STS-1 à 4 avec Columbia). Pour que le vol soit considéré comme totalement réussi, il faudra toutefois attendre le retour de Hurley et Behnken afin de dépouiller les données récoltées et de pouvoir passer à la phase opérationnelle. Le premier vol opérationnel (Crew-1) avec Dragon est programmé pour le 30 août prochain avec un amarrage à l’ISS le lendemain. Quatre astronautes composent l’équipage : les américains Michael Hopkins, Victor Glover et Shannon Walker ainsi que le japonais Soichi Noguchi. L’astronaute français Thomas Pesquet devrait d’ailleurs faire partie de la mission Crew-2 planifiée à partir de février 2021, vraisemblablement elle aussi sur le Crew Dragon. 

C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvre pour les vols habités en orbite basse : celle du privé. L’initiative Crew Commercial Program (CCP) lancée en 2011 par la NASA va permettre de concrétiser douze vols de desserte de l’ISS programmés jusqu’en 2024 et à partager entre Space X et Boeing avec son CST-100 Starliner. Le constructeur de Seattle doit cependant effectuer un nouveau test automatique de son vaisseau à l’automne après la tentative ratée de décembre dernier. Une fois cette étape franchie, que Space X avait  réussie dès le 2 mars 2019, Boeing pourra passer au vol de qualification habité. Ce qui est maintenant planifié au début de 2021.

Ce vol accompli samedi soir est aussi un succès supplémentaire pour Elon Musk, le fondateur de Space X. Un succès qui constitue une première étape dans sa volonté de concrétiser à plus longue échéance, avec un autre vaisseau, le Starship, des missions d’exploration en direction de la Lune et de Mars.

Antoine Meunier

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