Les astronautes du Starliner rentreront avec SpaceX
L’agence spatiale américaine a tranché. L’équipage de la première mission habitée (CFT) de la capsule de Boeing redescendra finalement en février prochain avec l’aide du Crew Dragon. Une humiliation pour le constructeur basé en Virginie dont le vaisseau n’a cessé d’accumuler les aléas techniques. Celui-ci rentrera finalement en automatique dans les prochaines semaines.
737-Max, Dreamliners et Starliner, aucun des véhicules habités aériens et spatiaux du géant historique de l’aérospatiale ne semble épargné depuis ces dernières années? Développé depuis 2014, son vaisseau habité quadriplace n’a cessé d’accumuler les problèmes techniques depuis son premier vol automatique (OFT-1) en décembre 2019 alors que SpaceX a franchi chacune des étapes imposées par la NASA afin de pouvoir transporter des êtres humains en orbite basse en toute sécurité. Depuis la mission Demo-2, le 30 mai 2020, le Crew Dragon compte pratiquement une douzaine de vols habités à son actif. De son côté, avec plus de quatre ans de retard sur son planning, Starliner n’a pour l’instant réalisé qu’un seul aller-simple vers la Station spatiale internationale (ISS) avec des astronautes : le duo Butch Wilmore et Sunita Williams le 5 juin dernier. Mais les problèmes persistant sur la capsule, les fuites d’hélium sur les propulseurs, ont conduit la NASA à faire le choix de ramener les deux infortunés astronautes avec le Crew Dragon. Une décision annoncée en personne le 24 août par Bill Nelson, l’administrateur de l’agence spatiale américaine. « La NASA a décidé que Butch et Suni rentreront avec Crew-9 en février prochain », a sobrement déclaré le dirigeant. A la base, les deux astronautes devaient rentrer de l’ISS au bout d’une semaine, ils ont déjà passé plus de quatre-vingts jours dans l’espace. Toutefois, leur situation n’est pas problématique puisqu’ils ont déjà réalisé, tous les deux, des séjours de longue durée dans l’espace. Avant ce vol, Wilmore comptait ainsi 178 jours en orbite (Exp 41/42) et Williams 321 (Exp 14/15, Exp 32/33).
Engins expérimentaux
Mais transférer les deux astronautes sur le vaisseau de SpaceX n’est pas non plus anodin dans la mesure où les combinaisons utilisées à bord de Starliner ne sont pas compatibles avec l’environnement du Crew Dragon. Des combinaisons de rechange leur serait apportées avec des supports en mousse pour leurs sièges. Quant à la capsule de Boeing, celle-ci doit revenir sur Terre à vide en septembre. Toujours selon Bill Nelson, ce choix s’explique « par un engagement en faveur de la sécurité ». Des mots qui ont toute leur importance compte tenu des drames survenus avec la navette spatiale en 1986 et 2003. Lui-même ancien passager du Shuttle en 1986 lors de la mission STS-61-C (dernière mission avant la perte de Challenger dix jours plus tard), Bill Nelson est donc bien placé pour en parler. Il faut cependant rappeler que le Starliner, comme le Crew Dragon, s’ils doivent tous les deux faciliter l’accès immédiat à l’espace pour les astronautes, ne sont pas des véhicules produits en grande série comme les avions de ligne. Ils restent encore des engins expérimentaux qu’il faut sans cesse perfectionner. Cependant, en termes d’images pour Boeing, la décision prise de ramener les deux astronautes sur le Crew Dragon jette un peu plus le discrédit sur le Starliner au vu des problèmes de qualité rencontrés maintenant depuis plusieurs années. Un engin pour lequel l’avionneur de Seattle a touché 4,2 milliards de dollars de la part de la NASA pour assurer son développement quand SpaceX n’a empoché « que » 2,6 milliards (contrat Commercial Crew Program de 2014).
Monopole
Alors forcément, la question ne peut être évitée : le Starliner sera-t-il abandonné au profit d’un autre fournisseur d’accès à l’espace ? Pour sa part, Bill Nelson reste certain « à 100% » que le Starliner revolera avec des astronautes. Mais la date d’une prochaine mission de la capsule « Made in Boeing » paraît à présent bien incertaine (initialement envisagée pour début 2025). Conséquence, SpaceX demeure aujourd’hui incontournable pour transporter les astronautes américains et européens alors qu’à la base, la desserte de l’ISS devait être partagée à égalité avec Boeing. Mais la société d’Elon Musk connait une situation de monopole depuis la mise en service de son vaisseau il y a maintenant plus de quatre ans. Cependant, si la NASA devait prendre une décision radicale et se passer des services de Boeing, ce qui n’est en aucun cas à l’ordre du jour, d’autres acteurs industriels pourraient prendre le relais. A l’heure actuelle, le plus crédible techniquement est Sierra Space (qui pourrait aussi se porter acquéreur de ULA) dont le petit avion spatial DreamChaser a finalement été sélectionné dans le cadre du contrat de services CRS-2 pour ravitailler l’ISS en fret. Prévu pour être le passager du second exemplaire de la fusée Vulcan d’ULA, il ne devrait maintenant pas être lancé vers la station avant 2025. Une version habitée avait ainsi été étudiée il y a une dizaine d’années au lancement du programme d’équipages commerciaux (CCP). Néanmoins, l’abandon du programme Starliner par Boeing et la NASA paraît peu probable compte tenu des sommes investies. Il y a cependant urgence pour que le vaisseau soit certifié au plus vite car l’ISS doit être désorbitée d’ici cinq ans. La NASA doit encore attendre avant de disposer d’une seconde solution pour expédier en toute sécurité ses équipages. Oui mais pendant encore combien de temps ?
Antoine Meunier
Boeing a touché 4,2 Md$ pour développer une capsule habitée.
SpaceX a touché 2,6 Md$ pour transformer une capsule destinée au fret en capsule habitée. Il avait déjà touché 1,2 Md our les 12 premiers vols de fret.