Technologie

ACES, l’expérience qui défie le temps

Le nerf central d'ACES est constitué par les horloges PHARAO...(ESA-S.Corvaja).

Avec cette manipulation, l’Agence spatiale européenne (ESA) va déployer une expérience de physique pure. Grâce à ses deux horloges de très haute précision (PHARAO et SHM), ACES va mettre à l’épreuve la relativité générale depuis la Station spatiale internationale (ISS).

Les concepteurs de l’expérience ACES auront été patients puisque les premières discussions sur le sujet remontent quand même à 1997. Il faut ensuite attendre 2008 avant que le CNES ne décide de construire l’horloge PHARAO (Projet d’Horloge A Refroidissement d’Atomes en Orbite). La seconde horloge embarquée est le Maser spatial à hydrogène (SHM) développée par Safran Timing Technologies en Suisse. Elles constituent le nerf central de l’expérience ACES supervisée par Airbus Space pour le compte de l’ESA. Pour fonctionner, PHARAO - réalisé sous la maîtrise d’œuvre du CNES et assemblée par Sodern (filiale d’ArianeGroup) -, utilise...

une technologie basée sur l’utilisation d’atomes de césium refroidis par laser à une température proche du zéro absolu (- 273 °C). Ces mêmes atomes doivent interagir avec un champ de micro-ondes pour garantir la précision des mesures. Pour mémoire, la mesure de la seconde est définie « comme la durée de 9 192 631 770 périodes (ou tic-tac) de la radiation correspondant à une transition entre deux niveaux d’énergie de l’atome de césium 133 ». Toutefois, pour être optimales, les horloges doivent également pouvoir fonctionner à une température ambiante comprise entre – 40 et + 35°C. Pour PHARAO, comme pour SHM, le degré de précision sera tel (10-16) qu'ACES ne devrait se dérégler d’une seconde qu’une seule fois tous les 300 millions d’années ! « C’est l’horloge atomique la plus précise à être envoyé dans l’espace », s’enthousiasme ainsi Didier Massonnet chef de projet PHARAO au sein du CNES. Se présentant sous la forme d’un boitier d’une masse de 91 kg, PHARAO est embarquée sur le vaisseau cargo Dragon CRS-32 de SpaceX qui devait décoller lundi 21 avril (en principe le 462ème décollage de Falcon 9) pour aller ravitailler l’ISS.

...et SHM (ESA-S.Corvaja).

Isolation totale

L’objectif de cette mission qui prend place dans la mission européenne ACES (Atomic Clock Ensemble in Space) de l’Agence spatiale européenne (ES) est donc de mesurer avec une précision inégalée l’écoulement du temps sur Terre et dans l’espace. L’horloge SHM fonctionne ainsi de la même manière que les horloges embarquées sur les satellites Galileo mais avec une stabilité dix fois plus importante. Le choix de l’environnement spatial pour déployer cette expérience repose notamment sur le fait que le temps ne s’écoule pas de la même manière au sol et dans l’espace. Selon le principe établi par Albert Einstein en 1915, le temps s’écoulera moins vite au sol que dans l’espace. « Plus on s’éloigne et plus on maximise l’effet de la relativité », ajoute ainsi Didier Massonnet. C’est, entre autres, l’une des raisons pour lesquelles les horloges utilisées sur les satellites du système Galileo sont obligées de fonctionner avec une avance de 40 microsecondes par rapport à leurs homologues restées au sol. De plus, afin de fonctionner à l’abri de la moindre perturbation, PHARAO sera installée sur un rack extérieur du module européen Colombus à l’aide du bras-robot Canadarm-2 de l’ISS. Ce qui implique que les astronautes n’auront pas à effectuer de sortie dans l’espace (EVA) pour son installation. Durant trois ans, l’expérience ACES doit permettre de récolter des données grâce notamment à des expériences mises en place par le CADMOS (Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiale). Ces expériences doivent permettre d’affiner encore plus la mesure du temps pour, à terme ou encore de bâtir de nouvelles technologies dont certaines susceptibles d'être utilisées en navigation. Le décollage d’ACES est prévu après-demain depuis le Kennedy Space Center (KSC) à 4h15 du matin (heure locale). En cas de report, SpaceX dispose d’une seconde opportunité la nuit suivante qui démarre à 3h53 également à l’heure de la Floride.

Antoine Meunier

 

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