Recherche de continuité

Pour cet édito, il eut été facile de commenter le coup de com réalisé par Blue Origin avec le vol 100% féminin de la capsule New Shepard le 14 avril dernier. Trop simple. On peut quand même dire que, surtout avec à bord la femme de Jeff Bezos et la chanteuse Kathy Perry, il y a aussi une volonté de montrer que le transport spatial humain cherche la voie de la normalisation. Les grincheux argueront qu’il s’agit d’un simple saut de puce au-delà de l’atmosphère, ce qui est exact. Alors même si les liaisons quotidiennes vers l’orbite basse ne sont pas encore pour demain, c’est au moins un début. Après tout, les trajets transatlantiques en avion ont eu besoin de quelques décennies pour se développer. Même si la chose est aujourd’hui banale, envoyer 300 passagers à 12 km d’altitude pendant une dizaine d’heures ou plus, avant de les ramener au sol, n’est pas non plus une chose anodine. Mais sur le créneau du vol habité, l’Europe ne peut plus se permettre de faire de l’auto-stop. Il faut cependant justifier l'envoi d'astronautes en orbite. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Lionel Suchet lors de son audition publique par l’OPECST le 13 mars dernier en posant une question essentielle dès le début de son intervention. « Peut-on faire de la science de qualité à bord d’une station spatiale : la réponse est oui », citant au passage le rôle du CADMOS qui permet de développer certaines expériences scientifiques. Pour mémoire, la mission Proxima de Thomas Pesquet avait mobilisé en 2021 une trentaine d’entités qui auront forcément vu un intérêt à s’embarquer pour l’ISS (sans compter celui suscité auprès du grand public). A l’heure où le programme habité américain pourrait connaître un changement majeur, l’Europe ne doit pas observer une position de neutralité, au risque de s’affaiblir et d’être encore plus isolée. Elle doit au contraire passer à la vitesse supérieure et s’assumer dans ce domaine, au moins pour rallier les futures stations orbitales privés. Ce serait un atout pour garantir la continuité des expériences européennes en cours sur l'actuelle ISS, promise à la désorbitation d'ici cinq ans.
Antoine Meunier
© La Chronique Spatiale (2021-2025)