Technologie

Nom de code : EL3

L’ESA a mandaté l’industrie pour étudier la faisabilité de l’aluniseur automatique EL3 (Image : ESA).

Sous cet acronyme un peu barbare se cache en réalité l’European Logistic Lunar Lander que l’agence spatiale européenne (ESA) projette à l’horizon 2030. Outre envoyer des charges scientifiques, ce véhicule automatique pourrait notamment servir à ravitailler les futures expéditions habitées du programme lunaire Artemis.

D’un point de vue logistique, les trois dernières missions du programme Apollo (15,16 et 17) ont été les plus longues et ont permis la dépose sur la Lune d’un véhicule atteignant jusqu’à 16,4 t pour Apollo 17, avec tout le nécessaire pour permettre à deux hommes de survivre en surface pendant trois jours. D’une durée d’environ 75 h, ce fut le plus long des six séjours habités sur le sol sélène. Avec le programme Artemis, il est maintenant prévu de doubler la mise avec des missions d’une durée d’environ une semaine avec des équipes de deux personnes. Si rien n’est encore totalement arrêté quant aux futures explorations qui viendront compléter celles de la période 1969-1972, il est toutefois possible d’augmenter le temps de présence à la surface de la Lune. Dans cette optique, l’ESA vient de mandater Airbus DS et Thales Alenia Space pour réaliser une étude de faisabilité de phase A/B1 destinée à permettre de concrétiser l’alunisseur EL3. Avec ce véhicule, qui se poserait à proximité du futur véhicule HLS des astronautes, « il serait possible d’amener les ressources nécessaires aux équipages pour les 14 jours de la nuit lunaire », précise ainsi Didier Schmitt, l’un des principaux responsables des programmes d’exploration automatique et habitée au sein de l’ESA. Cela autoriserait des missions lunaires d’exploration pouvant atteindre jusqu’à 4 semaines.

Outre ravitailler les astronautes sur le sol sélène, l’EL3 pourrait également servir pour des missions scientifiques (Image : Airbus).

En mode rôtissoire

Selon les spécificités du cahier des charges imposés aux deux industriels, il s’agit de réaliser un véhicule de 8,5 t – soit les capacités du lanceur Ariane 64 (4 propulseurs d’appoint) sur une trajectoire vers la Lune – et qui soit capable d’apporter en toute sécurité 1,7 tonne de fret au terme d’un voyage de quatre jours en mode « rôtissoire ». Il s’agit en fait de répartir de manière uniforme la chaleur du Soleil sur toute la structure du vaisseau en lui imprimant une rotation lente. Les missions Apollo utilisaient déjà cette technique appelée contrôle thermique passif (PTC). Au terme du transit, le vaisseau se placerait d’abord sur orbite lunaire basse, pendant un maximum de 14 jours, afin de préparer sa descente vers le lieu d’alunissage sélectionné. Airbus envisage notamment de faire appel aux techniques de navigation visuelle utilisées pour le vaisseau cargo ATV. Il sera équipé d’un système autonome d’évitement et de détection d’obstacles. De son côté, Thales Alenia Space, qui est déjà engagé avec l’américain Dynetics dans la compétition de la NASA pour le futur HLS*, étudie son propre alunisseur automatique avec l’allemand OHB sur des spécificités identiques (un engin de 8,5 t transportant jusqu’à 1,7t de charge utile à déposer en surface). TAS concevrait la plateforme d’atterrissage et OHB la plateforme cargo. Dans ses spécifications, l’ESA envisage que l’EL3, qui pourrait ainsi succéder à l’ATV, réalise de 3 à 5 missions sur une période de 10 ans à compter de 2030. Il est également prévu qu’il puisse embarquer des charges scientifiques dont des rovers. Ce futur module logistique pourrait également servir dans la perspective d’une mission de retour d’échantillons lunaires. S’il est décidé, son financement pourrait intervenir lors de la prochaine conférence ministérielle qui doit se tenir en 2022.

Antoine Meunier

*Dans le choix du  fournisseur du futur alunisseur habité, la NASA doit rendre son verdict en février 2021.

©                                 La Chronique Spatiale (2020)

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