Exploration

Chang’E-5 en route vers la Lune

Décollage réussi pour le 6ème exemplaire de la fusée Longue Marche 5 transportant la sonde lunaire Chang’E-5. Un bon signal pour la suite du programme d’exploration chinois (Photo : CNSA).

Le lancement réussi, ce lundi soir à 21h30 (heure Paris) de la sonde Chang’E-5, doit concrétiser un troisième alunissage automatique mais pour la première fois, l’agence spatiale chinoise (CNSA) tentera de rapporter des échantillons depuis la surface sélène. Une prouesse technique qui n’a plus été réalisée depuis 1976.

Chang’E-5 en chiffres, c’est d’abord Longue Marche 5, un lanceur de 870 tonnes à pleine charge au décollage surmonté par un véhicule composite de 8,2 t qui doit rapporter 2 kilogrammes de roche lunaire. Les trois missions soviétiques de retour d’échantillons – Luna 16 (1970), Luna 20 (1972) et Luna 24 (1976) -, n’ont permis de rapporter « que » 330 g de poussières lunaires sans oublier bien entendu les 383 kg de roches des missions habitées Apollo (1969-1972).  Chang’E-5, c’est aussi un ensemble de quatre véhicules conçu par l’entreprise d’état CASC. Il y a d’abord l’orbiteur surmontée de la capsule de rentrée ainsi que l’alunisseur surmontée du véhicule de remontée. Pour accomplir sa tâche principale qui est de collecter quelques bouts de roche lunaire, l’alunisseur de Chang’E-5 est équipé d’une foreuse capable de creuser jusqu’à 2 m.  Cette mission de récolte a été minutieusement préparée depuis maintenant 2007. C’est en effet dès cette époque que la première sonde Chang’E est envoyée en reconnaissance pour, entre autres, cartographier la Lune afin de déterminer les futurs sites d’alunissage des missions suivantes. Chang’E-2 réédite la performance en 2010. C’est la phase un du programme. La seconde phase a permis de tester les procédures d’atterrissage (et de déployer les rovers Yutu et Yutu-2) avec Chang’E-3 en décembre 2013 puis Chang’E-4 en janvier 2019 sur la face cachée de la Lune. 

Chang’E 5, ici à l’intégration, est composée de 4 éléments. Sur la capsule de retour, on reconnait l’alunisseur dont 2 des pieds d’atterrissage sont parfaitement visibles (Photo : CCTV).

Visites passées

Entre ces deux missions, la Chine a expérimenté le retour libre avec Chang’E-5 T1, une mission qui a également permis de tester les procédures de récupération de la capsule destinée à contenir les échantillons de roche lunaire. La Chine aurait dû enchainer en 2018 avec le tir de Chang’E-5 qui constitue avec la précédente la phase 3 du programme Chang’E. Malheureusement, le lancement de cette dernière avait dû être décalée à la suite de l’échec au lancement de Longue Marche 5 du 2 juillet 2017. La charge utile de 8,2 t nécessite un moyen de lancement plus puissant que celui utilisé précédemment pour les sondes Chang’E : Longue Marche 3B pour les deux orbiteurs et Longue Marche 3C pour les alunisseurs et Chang’E-5T1. Le lancement s’est finalement déroulé comme prévu ce lundi depuis la base de Wenchang dans la province du Hainan. Le lanceur a placé le véhicule sur une trajectoire qui doit lui faire rejoindre la Lune au terme d’une croisière de trois jours avant de rejoindre la Lune. Le site d’alunissage retenu pour Chang’E-5 est le Mons Rümker, d’un massif montagneux situé à l’ouest de l’Océan des Tempêtes. Plusieurs engins se sont déjà posés dans cette région mais plus au sud. Il s’agit des sondes soviétiques Luna 9 et 13, respectivement le 31 janvier 1966 et le 24 décembre de la même année, ainsi que les engins américains Surveyor 1 (30 mai 1966) et Surveyor 3 (20 avril 1967). Une expédition humaine est également à dénombrer ; celle d’Apollo 12 menée par les astronautes Charles Conrad et Alan Bean. Il est prévu que l’alunissage ait lieu au nord-ouest du Mons Rümker. 

Spectaculaire image de Chang’E-5 alors en train de s’éloigner de la Terre (Image : direct CGTN

Suivi européen

A la différence des deux premiers alunissages, dont Chang’E-4 qui est toujours en cours, la mission de collecte de Chang’E-5 ne devrait durer qu’un peu plus de trois semaines. Une fois les échantillons récupérés, le véhicule de remontée doit redécoller pour un rendez-vous en orbite lunaire avec le véhicule de retour qui doit, en théorie, rester 6 jours en orbite avant d’entamer le voyager de retour vers la Terre en un moins de 5 jours. A 5 000 km de la Terre, la capsule de rentrée doit se détacher pour effectuer une rentrée atmosphérique l’amenant à se poser dans la Bannière de Siziwang en Mongolie Intérieure aux alentours du 15 décembre. Les échantillons récupérés seront ensuite transférés dans un laboratoire de Beijing, dont une photographie a circulé sur le web quelques heures avant le lancement. A noter que cette mission comporte une participation internationale puisque l’agence spatiale européenne apporte un soutien logistique avec deux de ses segments sols. La station de Kourou suivra Chang’E-5 pendant son voyage aller jusqu’à notre satellite tandis que la station de Maspalomas en Espagne suivra le vaisseau lors de son vol retour. 44 ans après la toute dernière mission de retour d’échantillons lunaires, la Chine devrait donc, avant la fin de l’année, s’offrir un magnifique cadeau de Noel. Une mission qui connaitra une suite. La sonde Chang’E-6, à laquelle la France est d’ailleurs associée avec l’instrument de mesures DORN fourni par le CNES, est attendue à partir de 2023.

Antoine Meunier

©                                 La Chronique Spatiale (2020)

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