Exploration

Le grand chelem de Chang’E-5

Récupération nocturne et déploiement de la bannière chinoise pour la capsule de Chang’E-5 (Photo : direct CCTV).

Après un voyage de retour sans histoire, l’orbiteur de la 6ème mission lunaire chinoise a largué hier soir dans l’atmosphère terrestre la capsule, contenant les échantillons, que les équipes de la CNSA, positionnées depuis mardi dans la bannière de Siziwang en Mongolie Intérieure, ont pu récupérer. Un succès de plus pour ce programme qui réalise un sans-faute depuis son lancement en 2007.

Il se sera écoulé quasiment 45 ans depuis qu’un engin spatial n’était pas revenu de la surface de la Lune. En 1976, et au terme d’une mission de 12 jours, la sonde soviétique Luna 24 se posait au sud-est de Sourgout en Sibérie occidentale, rapportant au passage 170 g de roches sélènes. Une quantité peu importante mais qui permit cependant de démontrer dès 1978 la présence d’eau sur notre satellite. Au terme de cette mission, la troisième du genre après Luna 16 et Luna 20, la Russie est donc restée pendant plus de quatre décennies la seule nation à maîtriser la technologie du retour d’échantillons lunaires. La Chine acquiert à son tour ce savoir-faire en adoptant un profil de mission légèrement différent. Avec un peu plus de 3 semaines au compteur, la durée de la mission chinoise est plus longue que celle des 3 Luna (16, 20 et 24) qui était de l’ordre d’une douzaine de jours pour chacune des 3 missions soviétiques. De plus, si Luna revenait rapidement, Chang’E-5 « a pris son temps ». Après avoir patienté pendant 6 jours en orbite lunaire, le temps de viser une fenêtre de transfert optimale, l’orbiteur chinois a relancé ses moteurs samedi 12 décembre à 1h54 UTC pour s’insérer sur une orbite elliptique en prévision du retour vers la Terre. Cette méthode est semblable à celle qui a été employée lors de l’insertion en orbite lunaire au moment du départ de la Terre.

La capsule filmée avec une caméra infrarouge quelques instants avant sa récupération (Photo : direct CCTV).

Rentrée atmosphérique par rebonds

Dimanche à 1h51 UTC, alors qu’il se trouvait encore à 230 km d’altitude au-dessus de la surface de la Lune, l’orbiteur s’est finalement inséré sur une orbite de transfert vers la Terre en allumant ses moteurs de 150 Newtons durant 22 minutes à 1h51 UTC. Deux corrections de trajectoire sont intervenues au cours du périple qui le ramenait vers la Terre. La première a eu lieu lundi à 3h13 UTC pendant 28 secondes après allumage des 2 moteurs de 25 N de poussée. Puis, la seconde s’est déroulée mercredi dans la matinée, en utilisant les mêmes moteurs pour une impulsion de seulement 8 secondes. Comme prévu, le largage de la capsule est intervenu à environ 5 000 km d’altitude alors que le vaisseau passait au-dessus de l’Arabie Saoudite. Suivant une technique éprouvée lors de la mission test Chang’E-5 T1 en octobre 2014, le véhicule qui se déplaçait tout de même à 11km/s (environ 40 000 km/h), a effectué une « rentrée par ricochets ». C’est-à-dire que la capsule a suivi une trajectoire qui le fait entrer dans l’atmosphère une première fois, puis ressortir, avant d’entamer sa rentrée finale et se poser comme prévu dans la bannière de Siziwang en Mongolie Intérieure. Il était 18h59. L’orbiteur poursuit quant à lui sa mission, il pourrait être redirigé vers un astéroïde. 

La bannière de Ziziwang où la capsule a atterri de nuit, un paysage lunaire… (Photo : direct CCTV).

Un sans-faute depuis 2007

Avec Chang’E-5 T-1, le satellite de télécommunications Queqiao et maintenant l’orbiteur de Chang’E-5, la Chine compte maintenant 3 véhicules lunaires opérationnels dans l’espace profond, plus 4 autres en surface : Chang’E-3 et 4 ainsi que les rovers Yutu et Yutu-2 (le premier n’est cependant plus actif). Quant à l’alunisseur de Chang’E-5, il n’est pas prévu qu’il survive à la nuit lunaire. L’objectif principal de la mission restait avant tout de rapporter des échantillons, ce qui a parfaitement réussi. Ce premier retour d’échantillons réussi constitue un signe fort pour la prochaine mission, Chang’E-6, qui est envisagée à partir de 2023 et à laquelle le CNES doit fournir l’instrument de détection DORN. Il s’agit d’un succès de plus dans un programme qui ne compte que des réussites depuis la toute première mission Chang’E en 2007. Mais outre la réussite technologique, et forcément politique, que représente cette 6ème mission Chang’E (en incluant Chang’E-5 T1), elle permet à la Chine d’acquérir la maîtrise de 2 nouvelles techniques : le redécollage depuis notre satellite et le rendez-vous en orbite lunaire. Des techniques que l’agence spatiale chinoise doit encore perfectionner avec Chang’E-6 et Chang’E-7 au cours des prochaines années. Des techniques qui seront également nécessaires pour les missions habitées qui sont attendues à partir de 2030.

Antoine Meunier

©                                 La Chronique Spatiale (2020)

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